Puhe Fondation pour la Recherche Stratégique -seminaarissa 27.9.2011

Déjeuner-débat organisé par FRS le mardi 27 septembre 2011

Vision nordique de la sécurité européenne et globale – L’approche finlandaise
Entretien de M. Erkki Tuomioja, Ministre des Affaires Etrangères de Finlande

1. Les changements mondiaux appellent une pensée et une action intégrées

On peut considérer que les changements mondiaux que nous vivons marquent un changement d’époque.Nous ne savons pas encore dans quelle époque nous entrons, mais le fait est que nous en sommes les créateurs.Ce qu’il nous faut, c’est une pensée nouvelle et un mode d’action nouveau.

Par exemple, le triplement de la population mondiale depuis la fin de la Seconde guerre mondiale a déjà créé un monde ne connaissant pas de précédent dans l’histoire du monde et du genre humain.

Il est de plus en plus clair que les problèmes majeurs sont par nature globaux.Ils appellent des solutions globales.

La crise économique, les problèmes environnementaux, la croissance démographique et la prolifération des armes de destruction massive montrent que nous avons besoin d’une  gouvernance mondiale plus solide et d’une responsabilité plus fermement assumée.

L’Europe doit à être à la pointe de la gouvernance des mutations.  

L’économie en Europe est actuellement régie par l’agenda politique.Les problèmes internes compliquent le renforcement d’une politique étrangère commune vitale si l’Union entend assumer la responsabilité globale qui lui revient.

Le renforcement de la politique étrangère et de sécurité commune est une haute priorité de la Finlande.Nous estimons qu’il est temps d’entamer un débat sur une stratégie de politique étrangère qui conférerait une orientation et une dynamique aux structures mises en place par le traité de Lisbonne, notamment pour ce qui est de la gestion des relations extérieures.

2. La sécurité durable passe par un développement durable

Les dimensions des mutations

Les mutations qui affectent le monde sont d’une ampleur et d’une profondeur exceptionnelles.  Le pouvoir, la gouvernance et les valeurs se retrouvent tous sur les plateaux de la balance.


Les rapports de force entre les grandes puissances se modifient.Les institutions multilatérales sont rénovées.La crise économique globale atteint tous les pays, même si on lui connaît des fluctuations régionales.  L’instabilité provoquée par les pays faibles et les plus pauvres demeure.La rupture sociale et culturelle méconnaît les frontières des États et des sociétés.

La globalisation a été accompagnée d’une interdépendance accrue des régions géopolitiques, des États, des sociétés et des personnes. Aujourd’hui il n’y a point pas d’intérêts dits nationaux que l’on puisse promouvoir de manière soutenable contre les intérêts nationaux des autres pays. Dans un monde d’interdépendance, il ne s’agit pas d’une question de ”jeu à somme nulle”, une compétition malsaine pouvant au contraire conduire à un résultat encore pire pour nous.

Quand nous planifions notre action et scrutons l’avenir, nous devons comprendre et prendre en considération les effets de cette interdépendance.

La nécessité d’une vaste vision de la sécurité

 

On ne bâtira durablement l’avenir que si l’on adopte une vaste vision de la sécurité et de ses facteurs.

Les événements survenus ces derniers temps montrent concrètement la signification essentielle que revêt, pour la sécurité humaine, un développement qui soit en même temps écologiquement, socialement et économiquement durable. 

La crise économique secoue tout particulièrement les filets de sécurité des sociétés occidentales.A l’échelle globale, la sécurité des personnes se trouve également ébranlée dans ses bases.

Les problèmes environnementaux et la compétition pour les ressources sont en passe de devenir les questions clés de la politique internationale.

Les problèmes sociaux, le déficit démocratique et l’absence de perspectives constituent les causes essentielles du bouillonnement du printemps arabe. Ces données pourraient également offrir un terreau propice aux agissements des mouvements extrémistes.

On ne parviendra pas à la stabilité et à la sécurité sans le développement. Mais le développement passe pour sa part par la démocratie, l’État de droit et les droits humains.La mise en place de l’État de droit passe à son tour par la stabilité.

On peut donc dire que tout agit sur tout dans le maintien de la stabilité, de la paix et de la sécurité.

Un programme d’action pour vaincre la crise

Il est indispensable que les mesures des États et les structures internationales de coopération reflètent ce vaste point de vue.

Le règlement des conflits appelle une approche globale :parallèlement aux actions militaires, nous avons besoin d’une solide gestion civile des crises, d’investissements de développement et d’une participation sur le terrain.Il est crucial de porter l’effort sur la prévention des conflits.Il faut renforcer les capacités de réponse de l’ONU aux divers stades du cycle des conflits.

Les institutions multilatérales doivent être renforcées là où la gouvernance globale est manifestement déficiente et ne répond pas aux impératifs du développement durable.

Dans la crise économique, le G20 a fonctionné comme un mécanisme utile de gestion de crise.Pour prévenir les futures crises, il faudra aussi adopter des règles et mesures qui se projettent dans le plus long terme.

Il est indispensable de renforcer le système de l’ONU. Entre le système de l’ONU et celui des ”G”, un lien doit être créé qui assure globalement et pleinement la légitimité des solutions.   

Une réforme du conseil de sécurité de l’ONU dans un sens traduisant les changements qui affectent les rapports entre les puissances serait de nature à conférer une base politiquement durable à la composition du G20. Les membres du conseil de sécurité constitueraient l’ossature des participants au G20.

S’agissant de la politique de sécurité, de la politique de développement et de la promotion des droits humains, nous avons besoin de la contribution de tous pour atteindre les objectifs communs et garantir les valeurs communes.Le fardeau global doit être efficacement et équitablement réparti entre d’une part les Etats-Unis et l’Union européenne et, d’autre part, les pays émergents.

3. L’effort de la Finlande et le modèle nordique

Les acquis et enseignements du « modèle nordique »

Le modèle nordique de société est riche en éléments dont on peut s’inspirer pour élaborer une politique de sécurité globale qui soit à la fois étendue et intégrée.

Les pays nordiques ont bien surmonté les crises économiques.Les sociétés ont montré leur résistance.

Ce n’est pas un hasard si tous les pays nordiques se trouvent être parmi les dix pays les mieux placés dans presque toutes les comparaisons internationales où les pays du monde sont classés sur la base de leurs performances en termes de responsabilité écologique, de protection sociale, d’éducation, de compétitivité ou même de bonheur des citoyens.

Mais mon favori absolu est le récent Failed States Index selon lequel la Finlande est le « pays le moins défaillant » – il faut noter que nous sommes « le moins défaillant », ce qui implique qu’il y a aussi chez nous des choses où nous pouvons encore mieux faire. La réussite des pays nordiques repose sur l’idée de sécurité communément partagée par l’individu et la société, d’égalité et de durabilité économique, écologique et sociale.  

Les Norvégiens ont montré comment, en cas de crise nationale gravissime, il fallait défendre la démocratie et l’ouverture avec encore plus de détermination.  

La valeur du modèle nordique pour la politique globale

Sous l’angle de la politique internationale, le modèle nordique se distingue par son sens pratique et son pragmatisme. Les politiques intérieure et étrangère sont perçues dans une étroite interaction. L’opinion publique soutient la coopération internationale et le multilatéralisme.

Les décideurs nordiques prennent au sérieux l’attitude critique manifestée par les citoyens à l’égard de l’UE.L’Union doit être renforcée dans le sens d’une communauté plus juste et plus opérationnelle.

Que ce soit au sein de l’UE ou à l’OTAN, les États membres nordiques sont des participants fiables aux opérations de gestion de crise.En matière de gestion civile des crises, c’est eux qui montré la voie.Les pays nordiques ont fourni près du cinquième des experts partis participer aux opérations de gestion civile de crise sous l’égide de l’UE.

La Finlande et les autres pays nordiques promeuvent sans relâche la condition et la participation des femmes en tant que composante intrinsèque du développement de l’État de droit.Plus du tiers des experts finlandais engagés dans des missions internationales de gestion civile de crise sont des femmes.  

Les pays nordiques sont engagés de longue date dans une coopération favorisant leur participation aux opérations de maintien de la paix et de gestion de crise placées sous l’égide de l’ONU et de l’UE.Le Groupe de combat nordique de l’UE a déjà été par deux fois placé en attente.

A l’échelle globale, les pays nordiques ont traditionnellement assumé des responsabilités qui excédaient leur taille relative dans la gestion de crise, la promotion des droits humains, la politique de développement et les questions d’environnement.  

Les pays nordiques ont acquis une expérience considérable en matière de médiation de paix et il y a lieu d’en tirer profit.Il faut particulièrement développer la méthode appelée track 1,5.L’initiative finlando-turque approuvée à l’ONU vise au renforcement des capacités de la communauté internationale en matière de médiation de paix.

La coopération des diplomaties nordiques est en pleine phase dynamique.

Ces dernières années, les pays nordiques ont été engagés dans un débat sans préjugés portant sur l’intensification et l’élargissement de leur coopération en matière de défense et de sécurité.

Le rapport Stoltenberg (2009), indépendant, a suscité un débat portant sur la surveillance maritime et aérienne, les cyber-menaces, les autres nouvelles missions de la politique de sécurité et la coopération entre les administrations des affaires étrangères.

Nous pensons que l’approfondissement de la coopération nordique dans le domaine de la défense peut servir d’exemple pour le développement de la politique de sécurité et de défense commune.  

A l’avenir, la coopération sera encore intensifiée dans les questions tant régionales que globales.

Une question d’importance est celle de la défense des intérêts des pays nordiques dans le cadre du G20.Additionnées, les économies nordiques font partie des dix plus grandes économies de la planète.

Nous agissons au G20 via l’Union européenne et nous ne craignons ni l’isolement ni un jeu à somme nulle entre les grands et les petits.Nous pensons néanmoins être en mesure d’apporter une utile contribution au renforcement de la gouvernance globale et de l’économie mondiale.

Les parlementaires et gouvermements nordiques ont placé la mondalisation au centre de la coopération nordique. Il s’agit bien sûr de savoir comment nos pays nordiques doivent s’adapter aux exigences de la mondalisation, mais il importe encore plus de savoir comment les pays nordiques peuvent oeuvrer ensemble dans tous les processus mondiaux pour un meilleure et plus juste gouvernance mondiale qui puisse à la fois garantir que tous les peuples deviennent les bénéficiaires de la mondalisation et que nous ne subirons pas tous les cinq ou six ans une nouvelle crise financière.

Les défis d’une sécurité durable appellent à la fois des solutions globales s’inscrivant dans le long terme et une vision des futurs facteurs affectant la sécurité.  Sur la base de leurs expériences, la Finlande et les autres pays nordiques ont beaucoup à apporter à ce débat.